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Suzanne Doppelt vous répond.

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mardi 2 juin 2020
par Suzanne DOPPELT


Suzanne Doppelt vous répond.

Merci à vous tous pour vos textes d’une grande richesse et d’une grande sensibilité.

Dans la plupart, l’île, et c’est un peu la tradition, apparaît comme un lieu double, ambivalent. C’est une invitation au voyage, réel ou imaginaire, une échappée, « En ce moment, j’aime bien, Même si ce n’est que dans mon imagination, Voyager » dit Maxine, On y trouve une certaine paix, « L’île est remplie de rêves interminables » écrit Victoria, « Île pour laquelle mes rêves s’emballent » écrit de son côté Manon. On s’y sent protégé, calme, la beauté et l’étrangeté font leur effet mais c’est aussi là, dans ce lieu de solitude que l’on peut perdre ses repères, « Je me sens bien, mais seul ! » dit Nathan ou en danger, « loin de l’urbanisation » écrit Enguerrand. C’est « une prison dorée » dit Léna mais une prison quand même, « Mon petit chez moi, Depuis quelques mois, Est devenu mon île à moi ». Noé ne s’ennuie pas, contre toute attente, car il a la chance d’être « connecté » dit-il.
Quant à Arturo, dans le récit d’Elsa Morante, son île, Procida, au large de Naples, est celle de l’enfance, c’est aux saisons qu’il est connecté et aux différentes épreuves qu’il traverse. Pour la plupart d’entre vous, l’île-métaphore, une bulle à laquelle on rêve avec plaisir ou inquiétude, ou encore cette maison dans laquelle on se trouve plus ou moins enfermé quelques temps, et vous le suggérez très bien, provoque toutes sortes de sensations inédites et contrastées.

Rêver des îles, avec angoisse ou joie peu importe, c’est rêver qu’on se sépare, qu’on est déjà séparé, loin des continents, qu’on est seul et perdu – ou bien c’est rêver qu’on repart à zéro, qu’on recrée, qu’on recommence.

Gilles Deleuze, 1950

Un peu comme l’île, le miroir, si courant demeure pour certains d’entre vous, et de fait, si étrange et troublant. En Chine par exemple, il servait à faire danser et chanter les oiseaux et à rendre visibles les esprits. Troublant au point qu’il suscite de votre part tant de considérations mélangées, opposées : on ne pourrait se l’approprier tout à fait, pas plus que le visage qui s’y reflète. Quelques uns le considèrent indépendamment de toute situation, pour d’autres c’est l’expérience de la solitude qui le rend plus spécial encore. Vos textes sont tous intéressants à plus d’un titre et souvent très personnels, vu leur nombre je ne pourrai que faire allusion à certains. Le miroir apparaît soit comme un puissant révélateur, grâce à lui on se redécouvre, surtout en temps de confinement, « on quitte ce masque pour se concentrer sur ce que l’on est réellement » écrit Matthieu, « C’est notre âme que l’on voit à travers la fenêtre du regard, c’est la véritable personne que nous sommes. » écrit Dalila, alors que Raphaelle pense que « Ce qui compte, c’est quelque chose que le miroir ne pourra jamais refléter, Ce qui compte c’est l’âme, » tandis que pour Saralay on n’est pas loin d’une imposture, « Et pourtant ce bout de verre sans âme, N’est qu’une illusion qu’on embellit » tout comme pour Yann « Quand on se contemple, notre reflet nous invite dans une rêverie qui est aussi l’objet d’une hallucination. »
Privé des autres, on se regarde davantage, on ne se regarde plus du tout ou bien différemment, on se voit autrement, Adeline ne se reconnaît plus, elle ne voit que du vide, on devient son propre juge écrit Isaure, « Nous avons retrouvé une forme de liberté ». Soustrait momentanément au monde, le miroir enregistre davantage les changements dus à la répétition écrit Arthur et il a aussi le pouvoir de montrer à la fois le passé et le futur suggère Thomas. « En réfléchissant la solitude m’aide à voir MON reflet » écrit Nelle. Le miroir soulève une infinité de questions, prophétique, aux alouettes, magique, déformant ou quelconque, on s’y reconnaît toujours avec un drôle de sentiment d’étrangeté. Objet d’une rare richesse, le peintre Parmigianino se représente dans un miroir convexe et le poète John Ashbery écrit sur ce tableau un texte magnifique.
Tous ces aspects du miroir, avec beaucoup d’inspiration, vous les avez touchés du doigt ou de l’œil.

Je dis que pour certains les miroirs furent un hiéroglyphe de la vérité en cela qu’ils découvrent toute chose qui se présente à eux, comme il est la coutume pour la vérité qui ne peut rester cachée. D’autres, au contraire, prennent les miroirs pour les symboles de la fausseté parce qu’ils montrent souvent les choses autrement qu’elles sont.

Raphaël Mirami, 1582

Suzanne Doppelt

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